Seul le silence

Joseph a douze ans lorsqu’il découvre dans son village de Géorgie le corps d’une fillette assassinée. Une des premières victimes d’une longue série de crimes.

La Mort vint ce jour-là. Appliquée, méthodique, indifférente aux us et coutumes ; ne respectant ni la Pâque, ni la Noël, ni aucune célébration ou tradition. La Mort vint, froide et insensible, pour prélever l’impôt de la vie, le prix à payer pour respirer. Et lorsqu’Elle vint je me tenais dans la cour sur la terre sèche parmi les mauvaises herbes, le mouron blanc et les gaulthéries. Elle arriva par la grand-route, je crois, longeant la démarcation entre la terre de mon père et celle des Kruger. 

Ce roman, qui prend plusieurs aspects de l’univers policier (l’enquête, la prison ou la vengeance) est le portrait d’un être dont l’enfance fut volée. En effet, la vie de Joseph est suivie de ses douze ans jusqu’à ses 77 ans. La sensation qui imprègne tout le texte est celle d’une enfance meurtrie et gâchée. La Mort souvent évoquée (pour la disparition de son père ou les nombreux meurtres de fillettes) envahit l’esprit de Joseph, ce qui semble stopper son avancée dans la vie. À tel point que la rencontre avec Alex, d’abord son professeur, ensuite son amour, est un événement qui ne lui apportera pas tout le bonheur escompté. Le roman parvient à tenir le fil très délicat de la psychologie de cet être, enfant dans un enveloppe adulte, entre la Mort et cet amour passionné, l’enquête de police et le traumatisme. Ce dernier aspect installe une étrange sensation vis-à-vis de Joseph. Le lecteur est attendri mais ne parvient pas à lever tous les soupçons qui pèsent sur chaque protagoniste. Ce roman est entre l’intime et le collectif, tous les deux marqués et traumatisés par le meurtre. La récurrence des meurtres détruit toute la stabilité tout juste trouvée par Joseph. Il est rattrapé par la violence et porte en lui les espoirs de la résolution. C’est une démarche proche du sacrifice qui anime Joseph. Les derniers chapitres, après l’épisode carcéral moins saisissant, mettent en scène une émotion forte amplifiée par la nécessité de libérer l’esprit de Joseph et d’arrêter ce déchaînement de meurtres.

Ce roman traduit par Fabrice Pointeau est publié au Livre de poche au prix de 8,30€.

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