Whiskey

Andre voit son mariage prendre son faim et son frère, Smoker, apprend que son ex-femme a confié leur fille à une communauté marginale nichée en pleine montagne. Les deux frères se lancent alors dans une quête pour prouver l’amour paternel et tester l’amour fraternel.

Le garçon reprit sa conversation à sens unique. Peg savait bien que les gens, quels qu’ils soient, accordent trop de crédit à l’histoire qu’ils ont dans la tête. Le monde physique et ceux qui le peuplaient se réduisaient souvent eux-mêmes à de simples personnages de télévision sans relief, et cela incluait les artistes et les artisans que l’on voyait dans ces brocantes vendre leur production, le regard clair, trop placides pour être complètement présents, et les autres, persécutés par leurs furies, à peine capables de se maîtriser, ou de maîtriser leur caractère. La plupart parvenait à oublier leurs récits pernicieux en travaillant ou en buvant.

Dans ce roman, on retrouve la force de l’écriture de Bruce Holbert, déjà éblouissante dans L’Heure de plomb. Il met en scène les émotions de l’affrontement et de la mise à l’épreuve. Ces personnages s’engagent dans leur amour avec folie, angoisse et violence. Aucune mesure ne les retient. Le chemin parcouru marquera leur corps et leur psychologie. Ici les deux frères sont des êtres insondables, de vrais rocs dont par le passé familial, nous explorons tranquillement les failles. Chaque interstice est repéré. L’histoire d’amour des parents de Smoker et Andre est tout à fait captivante et traumatisante. Sans utiliser le prétexte facile d’expliquer le présent par le passé, l’auteur démontre les vestiges d’une histoire commune qui scelle durablement la fraternité. Les dialogues entre les deux frères interrogent leur rapport au monde et leur statut. Comment être des enfants ? des maris ? des pères ? Ce sont des questions très intimes qui s’installent au fur et à mesure de ce roman emporté par un mouvement de vie captivant. Ce mouvement est renforcé par le montage alterné de la narration. Cela mêle les étapes marquantes de la vie de ces deux hommes. Ainsi tout se retrouve relié et mêlé, enfouissant les personnages dans leur imbroglio psychologique et sentimental. Le rythme de ce récit se base également sur les contre pieds des attitudes. Les personnages se connaissent tellement bien qu’ils jonglent avec les caractères, les leurs et ceux des autres. Il y a un véritable esprit dans les dialogues, créant une complicité, une forme de bienveillance totalement mise à mal par les comportements extrémistes. Bruce Holbert témoigne de l’amour immense qui habite ses personnages et leur incapacité à le supporter justifiant ce besoin de l’autre, de son aide, de son point de vue et de la confrontation.

Ce roman traduit par François Happe est publié par Gallmeister au prix de 22,60€.

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