Profession du père

Un jeune garçon est chargé par son père de participer à un complot politique. Déçu par de Gaulle, il a décidé de tuer le Président de la République. Entre sa mère et l’ami américain de la famille, le jeune garçon tentera de grandir.

Restait ma mère et moi, faiblement éclairés par la lampe de l’entrée. J’étais toujours à terre. Dès qu’il a fermé la porte, elle a fait des gestes en tout sens, effrayante de tristesse. J’ai protégé mon visage. Elle m’a giflé à deux mains, les cheveux dans les yeux. La tête, les bras, les épaules. Des petits coups de rien. Elle se défendait, elle se débattait, elle se protégeait du malheur. Elle claquait des dents. Elle ne connaissait rien à la violence.

Ce roman animé par la plume sensible de Sorj Chalandon saisit la violence d’une famille remuée par les espoirs et les illusions. L’auteur croque trois êtres pris dans une cohabitation complètement déséquilibrée. Le fils, personnage principal, nous fait entrer dans l’histoire, la sienne et celle de ses parents. On retrouve ici la force de Chalandon pour saisir les espoirs et les peurs d’un adulte en formation. Chaque nuance de l’amour est perçue. On découvre ses relations avec chacun de ses parents, des relations faites de tensions si importantes que l’idée de l’attentat devient un exutoire. L’écriture vive de Chalandon nous propulse dans cette folie du meurtre d’Etat, événement tellement important qu’il montre la puissance destructrice des personnages. Dès les premières pages, la raz de marée paternel s’enclenche précipitant la mère et le fils dans un isolement pesant. Se pose alors la question des moyens de résistance pour ces victimes collatérales. Le noyau familial explose et chacun suit un parcours chargé de violence, de peurs et d’acceptation. C’est un étau qui se resserre autour des personnages, permettant à l’auteur de ménager le doute sur la réalité des faits. Les êtres s’éloignent des autres, d’eux-mêmes et de leur monde. On plonge parfois dans un imaginaire sombre. On attend l’arrivée de la lumière qui les sauvera. Cet emballement, cet aveuglement sont saisissants et l’histoire nourrie de tout cela trouve dans la troisième partie une fin poignante. Les dernières pages permettent à Chalandon de tirer jusqu’au bout son propos sans éclaircir les détails mais puiser dans les sentiments des personnages, dans leurs émotions puissantes.

Ce roman de Sorj Chalandon est publié par Grasset au prix de 19€.

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