Les liens

Comme beaucoup de mariages, celui de Vanda et d’Aldo a essuyé le feu des épreuves, l’usure, le poids de la routine. Et pourtant, il en est sorti intact. Du moins au premier regard. La faille au sein de leur couple, la trahison d’Aldo, remonte à un passé lointain. À y regarder de plus près, les fissures et les morceaux recollés sautent aux yeux. C’est un vase craquelé qui peut se briser au moindre contact. Peut-être a-t-il même déjà éclaté, même si nul ne veut l’admettre.

L’entrée d’habitude impeccable n’avait plus figure humaine. Comme charriés par une crue furieuse, le canapé et la table du séjour y avaient échoué l’un sur l’autre. Le vieux bureau d’Anna gisait sur le côté. Les tiroirs étaient sortis – ou avaient été enlevés – et traînaient par terre, l’un debout, les autres renversé au milieu de vieux cahiers, crayons, stylos, compas, équerres, et petits sujets qui appartenaient à l’enfance et l’adolescence de notre fille. 

Ce roman tire le fil de l’adultère et du pardon pour nous emporter dans les tourments d’un couple et d’une famille. Domenico Starnone observe attentivement les morceaux recollés dans les relations humaines et les petits manques jamais vraiment bouchés. Les premières pages donnent le ton avec le point de vue de Vanda. Elle est très franche, caustique en s’adressant directement à son mari. Dans les deux autres parties du roman, ce sont d’autres personnages qui s’exprimeront. C’est l’une des forces du roman, laisser les êtres s’exprimer mais tout en rappelant leur solitude. Ils parlent aux lecteurs et à aucun moment, n’oseront la franchise avec les autres, ceux qui partagent leur vie. Chacun a ses secrets, ses doutes et ses vérités. Mais tout est enfoui. L’auteur regarde ainsi cette famille engluée dans ses mystères et tenter de les dissimuler. Le bateau sombre et avec ce ton amer et mélancolique, c’est une réalité frappante qui nous est offerte dans ce roman. En travaillant sur le temps également, l’auteur développe tout le parcours sentimental des personnages et rappelle le poids du passé. Ainsi les souvenirs refont surface et réveillent les envies, les peurs des êtres. En quelques minutes, en quelques mots, ils se révèlent et le ton change. L’auteur manie avec habileté toutes les nuances des liens qui unissent deux êtres qui protègent leur relation. Se pose bien sûr la question de l’amour ? Est-il encore là ? Ou ce ne sont que des habitudes, des principes, une forme d’idéal social qu’il faut préserver ? En ajoutant le regard des enfants sur la relation parentale, c’est ainsi la famille en tant que cellule qui se retrouve au cœur du roman. Ce quatuor prend alors la forme d’un ensemble miné par un règlement de comptes. Le ton est piquant, mélancolique et amer.

Ce roman traduit par Dominique Vittoz est publié par Fayard au prix de 18€.

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