Le goût sucré des pommes sauvages

Cela commence par le voyage d’un couple de vieux amoureux et la découverte d’un verger. La deuxième nouvelle confirme cette impression mélancolique qui inonde le recueil, avec le retour d’un homme dans la ville de sa jeunesse. 3 autres textes complètent cela avec des voyages intimes.

Elle s’imagina cette fille et son petit ami sous les arbres du vieux verger, seuls présences juvéniles en ce lieu où prévalaient le vieillissement et la mort. Tout particulièrement et avec une impitoyable netteté, elle vit cette fille, trop frêle pour l’amour, trop enfantine ou vieille trop prématurément, trop maigre avec sa poitrine osseuse, étendue entre les bras du jeune paysan, son petit visage pointu offert aux baisers et son petit corps étique abandonné à ses grandes mains calleuses. 

Ce recueil laisse un sentiment d’une grande intimité vécue. En quelques paragraphes ou avec plusieurs pages (selon la durée de la nouvelle), Wallace Stegner place ses personnages comme des observateurs du présent. Nous ressentons tout de suite leur sensibilité au monde et ils sont entièrement disposés à vivre des rencontres, avec le présent ou le passé. Cela peut être mélancolique comme dans les deux premières nouvelles. La musique que nous propose l’auteur fonctionne sur des tempo différents et passer d’une nouvelle de 20 pages à une autre de plus de 100 est une sensation étonnante. On passe d’une fugue à une symphonie et à chaque fois, le développement sensoriel fonctionne. L’auteur utilise tous les éléments de son décor pour soutenir le propos. L’auteur semble mettre en scène des êtres face à une réalité qu’ils ne connaissent pas. Là où les deux premiers textes placent les narrateurs dans une relation sensible, les trois autres textes mettent en avant la Raison. L’auteur pose la question de la position par rapport à la vie, l’engagement ou la retenue, la passion ou la raison. La rencontre est belle car elle ne se place pas sous le signe de la confrontation. Ce recueil se développe dans la tendresse et dans le questionnement qui reste à la fin de chaque texte. Pourrais-je changer mon rapport à la vie ? Ne vaut-il pas mieux choisir pour éviter des remords et des regrets ? Le voyage est le point commun de ces textes et William Stegner s’amuse à bouleverser le parcours, changer le rythme du trajet imaginé pour ouvrir alors une brèche dans le temps. Commence alors la force poétique de ces narrations. L’auteur parvient à évoquer tous les doutes ressentis par les personnages, une manière d’admettre un questionnement intime sans aucun drame. Le recueil propose une écoute du monde, introspective et pudique.

Ce recueil de nouvelles traduit par Eric Chédaille est publié par Gallmeister au prix de 8.90€.

Laisser un commentaire