Après la fin

Jusqu’au 14 mars au Théâtre de la Cité Internationale (Paris)
Mise en scène de Maxime Contrepois
Texte de Dennis Kelly

Deux êtres enfermés ensemble. La cohabitation devient vite insoutenable et se transforme en lutte psychologique et physique.

Dans un décor d’apocalypse, un homme rentre, portant dans ses bras une femme évanouie. Noir. Sous une couverture, elle réalise petit à petit où elle se trouve. Un abri de fortune. Lui prépare la nourriture. Protégé d’une menace extérieure indéfinie, ce duo construit une esquisse de vie à deux. Louise et Mark sont seuls, l’un avec l’autre, l’un face à l’autre. Les masques tombent rapidement et l’abri devient vite un piège.

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Dès les premiers instants, par la lumière et la musique, on rentre dans ce spectacle comme dans un film de John Carpenter. Une ambiance de fin du monde nous saisit rapidement et dans cet univers inconnu, Louise et Mark deviennent nos guides. C’est surtout Mark qui le sera, autant pour Louise que pour le public. A l’écouter, le monde extérieur a disparu. D’après lui, il y a eu une attaque. Le monde tel que l’on connaît a disparu. Mark a sauvé la vie de Louise en l’enfermant. Comme dans les films de Carpenter et plus généralement du cinéma fantastique, ce sont les personnages qui sont la clé et le mystère de toute la narration. Louise doit sa survie à Mark et ne peut que lui faire confiance. Au fur et à mesure du texte, naissent des failles. S’éloignant d’une ambiance fantastique, Dennis Kelly met en place l’affrontement de deux êtres où l’homme, Mark, nourri par son désir pour Louise, assume un pouvoir dictatorial. Très vite, la réalité extérieure est oubliée et le texte se concentre sur les deux personnages. Le metteur en scène Maxime Contrepois pointe toutes les frictions entre Mark et Louise. Il les ne lâche jamais. De petits désaccords aux sujets de réelle opposition, il suit précisément la métamorphose de chacun s’affirmant face à l’autre. Lui, assailli par sa passion pour Louise, ne retient plus son désir de domination. Il veut avoir le dernier mot sur cette femme qui lui a toujours échappé et avec qui, il est enfin seul. Louise, quant à elle, est au pied du mur. Elle est menacée à chaque instant, affrontant sa peur et ses doutes. Elle tente de rester intègre. Ayant perdu tous les repères (temps et espace), les personnages sont bousculés et malmenés constamment. Le titre du spectacle laisse entrevoir toutes les fins envisagées. Cet après dont il est question pourrait supposer la fin de la société, d’une relation, d’une humanité.

Ce huis clos est construit par Dennis Kelly avec la répétition des sujets et du vocabulaire. Les sujets reviennent sans cesse tout au long de la pièce. L’insistance de Mark à revenir sur certains sujets, son amour obsessionnel pour Louise, sa jalousie, le pouvoir par la nourriture… Les deux comédiens sont éclatants par leur capacité à faire sonner les mots avec nuances. La répétition est là, renforçant leur enfermement mais à aucun moment ne lasse. Un même mot prend alors un sens différent à chaque scène. D’une manière insidieuse, un rapport de forces se créé entre les deux personnages interprétés avec grande intensité par Elsa Agnès et Jules Sagot. De la gêne à la colère, en passant par le jeu ou l’humour, les deux comédiens offrent une prestation éblouissante. Ils déploient tous les tourments de leurs caractères et par leurs seuls jeux, montrent l’usure de la cohabitation. Les scènes sont entrecoupées régulièrement de noir et d’une musique pesante. Ces coupures récurrentes distordent les repères de temps et mettent à l’épreuve la réalité. Ce choix qui peut lasser a le mérite de rappeler l’atmosphère fantastique du début mais surtout de montrer tout ce qu’accumulent les personnages. C’est toute l’énergie du travail fourni par les comédiens qui se mêle au passé des personnages. Mark et Louise sont rongés par les clichés et les non-dits. Leur confrontation grandit progressivement sans jamais perdre en intensité.
Le choix du metteur en scène de ne pas installer son spectacle dans un abri clos et pesant peut dérouter. Il a préféré laisser un espace jouant pour Elsa Agnès et Jules Sagot, talentueux hérauts de cette histoire de violence humaine.

Texte Dennis Kelly © L’Arche Éditeur, traduction Pearl Manifold et Olivier Werner
Mise en scène Maxime Contrepois
Dramaturgie Olivia Barron
Son Baptiste Chatel
Costumes Joana Gobin
Lumière Sébastien Lemarch
Vidéo Raphaëlle Uriewicz
Régie générale Solène Ferréol
Avec Elsa Agnès, Jules Sagot

Administration, production, diffusion Léa Serror
Production Le Beau Danger
Coproduction Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône, Comédie de Caen – CDN de Normandie, Atheneum – Dijon et Théâtre d’Auxerre – Scène conventionnée avec l’aide à la création de la ville de Dijon, de la Drac Bourgogne Franche-Comté, de la Région Bourgogne Franche-Comté et de la SPEDIDAM
Aide à la reprise de la DRAC Bourgogne-Franche-Comté
Avec le soutien artistique de la Maison Louis Jouvet et la participation artistique du Jeune Théâtre National
Résidence à l’Atheneum – Dijon (en partenariat avec l’ABC), à l’ Espace des Arts – Scène nationale de Chalon-sur-Saône et au Théâtre d’Auxerre, scène conventionnée (avec le soutien de la DRAC Bourgogne – Franche-Comté) • Construction de décors à La Comédie de Caen – CDN
Ce spectacle est soutenu par le Réseau Affluences • Le Beau Danger est soutenu par la ville de Dijon
Remerciements à la Compagnie MidiMinuit et à Prieur Sports
L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté.

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