Alphonse

Alphonse a disparu. Pendant que sa famille cherche désespérément cet enfant de quatorze ans, ce dernier marche le long d’un chemin de campagne et fait face à la plus grande expérience de sa jeune vie : l’invisible. Ainsi commencent “les aventures extraordinaires de Pierre-Paul-René, un enfant doux, monocorde et qui ne s’étonne jamais de rien… » Même si personne ne l’avait préparé à une telle rencontre, voilà que surgissent en lui, à travers les forces de la nuit, des personnages réels et imaginaires qui s’activent dans la coulisses du rêve et de l’amour. En cet être cohabitent l’enfant, l’adolescent et des “restes” de l’adulte qu’il sera peut-être un jour.

Pierre-Paul-René, le voici maintenant à l’entrée d’une grotte ; il y pénètre et s’y couche dans son ventre. Etre le héros d’une génération future qui ne demande qu’à croire en moi ne m’intéresse plus. Le lourd appareillage de la grotte pesait sur ses sentiments. Non loin de lui, une stalactite coulait. La goutte apparaissait, se détachait lentement, tranchait dans la pierre, restait suspendue un moment en l’air, puis allait s’écraser sur le rocher le moment d’après. Pourquoi pleures-tu, la grotte ? 
Il y a le connu et l’inconnu. 

La disparition d’Alphonse est racontée par plusieurs voix, sa famille, ses amis, des adultes, la police… Ces voix se complètent et parfois se contredisent. Elles se confrontent à un mystère, l’ami imaginaire du garçon, Pierre-Paul-René. Il représente tout ce qui échappe aux autres dans la personnalité d’Alphonse. Le garçon y a projette ses peurs et ses envies. Par ricochet, Wajdi Mouawad expose les espoirs et les peurs de l’entourage d’Alphonse. Au cœur de cette pièce, il y a le mystère d’un être, d’un enfant qui grandit, un enfant qui alterne entre le rêve et la réalité. Alphonse, le premier, brouille les pistes. Il est une énigme pour les autres et pour lui-même. L’auteur compose une prise de conscience globale sur la non connaissance. Les proches du garçon ne le connaissent pas entièrement et le ton direct de chacun renforce ce constat. Les personnages parlent les uns après les autres, certains revenant plusieurs fois. On sent le temps traverser cette pièce et donner cette impression que le garçon grandit seul. L’innocence de l’enfance le quitte pour mieux accueillir les doutes et les espoirs de l’adolescence. Cet équilibre émotionnel se construit par les allers-retours entre les rêves et la réalité. Derrière cette confrontation, on peut y voir la rencontre entre la tendresse et la violence, la subtile nuance entre vérité et réalité. A quels sens devons-nous nous fier pour connaître un être ? Ce que l’on entend ? Ce que l’on voit ? Ou laisser faire notre sensibilité ? L’écriture lyrique et généreuse de Wajdi Mouawad créé tout un mouvement sensible et lance une ronde hypnotique autour de ce jeune garçon, Alphonse.

Cette pièce de théâtre est publié par Actes Sud au prix de 12€.

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