Peindre sa pensée dans les grottes

Pourquoi nos très lointains ancêtres ont-ils déposé leurs pensées dans des grottes et, afin de mieux les voir, ont-ils inventé le dessin ? Et pourquoi les animaux les fascinaient-ils autant ? Serait-ce qu’ils étaient des dieux, ou des hommes plus puissants de posséder de tels corps, capables de courir si vite et même de voler ? Lorsque l’on parle de l’art de la préhistoire, on pense aussitôt aux grottes de Lascaux ou de Chauvet. Il en est d’autres, merveilleuses, en Afrique australe, en Namibie et au Zimbabwe, en Afrique du Sud et au Botswana. Leurs auteurs en étaient les San, premiers habitants de cette vaste région du monde, chasseurs-cueilleurs nomades qui ont peint ou gravé sur la roche de leurs abris la faune qui partageait leur vie. Venez les rencontrer en images.

Ici, un éland dont on ne voit que la tête sort d’une fissure ; là, d’autres animaux se glissent derrière un rocher pour disparaître. On avait déjà remarqué une telle idée dans les grottes européennes, par exemple en Espagne, à Altamira, où nombre de bisons avaient été peints sur les bosses qui ornaient le plafond de la grotte, comme si ces bosses avaient signalé la présence de leur corps massif, juste derrière la paroi. C’est aussi le cas à Pech Merle, dans le Lot, où la découpe naturelle d’un rocher semblait révéler la silhouette d’un cheval contenu dans la roche. En cela, il est possible de voir les mains peintes et posées sur les parois l’expression d’un contact avec le monde qui s’y trouve, à la fois juste derrière la paroi et en même temps inaccessible. Les peintures matérialisent l’apparition, à travers la roche, du monde qui y est contenu.

En ouverture de chaque volume de cette collection, il est rappelé l’origine de ces petites conférences : des causeries de Walter Benjamin entre 1922 et 1932, une reprise du principe au sein du Nouveau Théâtre de Montreuil par Gilberte Tsaï et la publication de ces conférences orales en livres. Renaud Ego, écrivain, poète et spécialiste de l’art rupestre d’Afrique australe, déroule le fil de ses connaissances et réflexions autour des peintures des grottes. Le texte, court et structuré, est accessible par les enfants (minimum 12 ans quand même) par son ton et la fluidité de son discours.

Cette petite conférence est une porte d’entrée vers un savoir riche et complexe. Renaud Ego part de la force ds images des grottes et des expressions du langage courant qui reflètent le pouvoir des images de rendre visibles. Il se place en tant que spectateur privilégié des images. Les parois des grottes deviennent des endroits de projections et d’hypothèses, d’une certaine manière de rêverie. Le discours s’appuie sur l’état des recherches et sur les mythologies des peuples anciens. Le croisement des deux permet donc de s’approcher de la réalité. A partir de ces images, l’auteur nous raconte le peuple San dont la population est estimée à 100 000 individus (répartis entre Botswana, Namibie et l’Afrique du Sud) qui serait présent depuis 44 000 ans. Le présent est relié par ces êtres au passé de la fondation de l’Humanité. La transmission de leurs traditions, de leurs pratiques, de leurs mythes, permet d’obtenir une autre approche de ce monde préhistorique, où l’homme était en minorité par rapport aux animaux. L’Homme ne dominait rien mais illustrait des faits et des pensées.

Ce livre est publié par Bayard au prix de 12,90€.

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