Apatride

Deux vies sont mises en parallèle. D’un côté, celle d’Esha qui a quitté Calcutta pour rejoindre Paris et être enseignante. Elle se confronte à son rêve de la ville lumière, à la violence des jeunes générations et découvre son statut d’étrangère. De l’autre, celle de Mina qui est restée à Calcutta mais est hantée par un secret et des maux douloureux. Entre ces deux femmes, un trait d’union en la personne de Marie. Trois destins qui se croisent et révèlent la violence faite aux êtres.

Pourtant ce n’était pas ainsi au début. Ce qui lui revenait sans cesse à l’esprit, c’étaient les après-midi, la Seine qui n’était pas grise mais verte, transparente de lumière et de soleil, les ponts, les parapets de pierre, le réchauffement lent de la pierre, les rambardes aux grilles couvertes de cadenas accrochés par les amoureux, que plus tard elle retrouverait comme motif sur le manteau d’une créatrice de mode. C’était tout de même curieux d’associer l’amour à l’emprisonnement, pensait-elle.

Ce roman épluche d’une manière très précise le statut de chaque personnage. L’autrice développe une véritable introspection en saisissant les faiblesses et les douleurs de chaque femme. Elle évite soigneusement les clichés et les raccourcis pour affronter les questions de cette société qui va de Paris à Calcutta. Shumona Sinha embrasse le monde et par quelques effets déstabilise. Elle parvient ainsi à retranscrire la politique tant française qu’indienne en supprimant les étiquettes et en conservant les slogans. Ainsi « le changement, c’est maintenant » devient une phrase d’un parti conservateur. Cette pirouette n’est pas là pour réduire la politique mais pour poser la question de mots. Quels sont ceux que nous devons utiliser pour résoudre ou apaiser les maux? Ceux des femmes, des étrangers, des professeurs, des célibataires, des isolés… Ce roman n’est pas un texte féministe mais humaniste. Bien que la construction (allers-retours entre Paris et Calcutta, entre Esha et Mina) alourdisse parfois la lecture, le fond de l’histoire s’attaque aux origines de la violence et toutes les démonstrations perceptibles dans notre monde.

Ce roman de Shumona Sinha est publié aux Éditions de l’Olivier au prix de 17,50€.

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