Le poids du monde

Aiden McCall assiste, jeune, à la destruction de sa famille. Il trouve refuge auprès de Thad Broom et cette amitié perdure au-delà des drames. Quand Thad revient de la guerre, Aiden est là pour lui. Ils vivent tous les deux près de la mère de l’ancien soldat, April, une femme qu’Aiden affectionne tout particulièrement. Les deux hommes tombent sur un trésor contemporain, une quantité astronomique de drogue. Est-ce leur salut ou la dernière étape de leur chute ?

Pendant toute son existence, la vie n’avait été qu’un tourbillon continu de déception, et le cercle semblait se resserrer inéluctablement à chaque année qui passait. Les petites arrestations menaient à d’autres petites arrestations, et les casiers judiciaires devenaient des curriculum vitae. Les peines de trois jours se transformaient en peine de dix jours, puis trente, et dans un endroit comme le comté de Jackson, les deuxièmes chances étaient accordées, mais pas les troisièmes ni les quatrièmes. Sa réputation précédait Aiden, et il était trop fauché pour partir. Etre fauché était ce qui vous poussait à recommencer encore et encore, et avant que vous vous en rendiez compte, vous étiez revenu au point de départ. C’est juste la façon dont tourne le monde. Chaque endroit a une face sombre, et c’était tout ce qu’il avait jamais connu. Dans un comté où quatre-vingt-dix-neuf pour cent de la population était constituée de personnes travailleuses et pieuses qui auraient tout fait pour s’entraider, les gens comme Aiden et Thad étaient des cas désespérés. 

Le roman tourne autour de ces trois personnages et de leur obsession qui les habite très profondément. April veut survivre et tenter de s’échapper de sa détresse quotidienne. Thad veut libérer la violence qu’il a vue et qui est devenue son intime. Aiden veut plus que tout enfin vivre de son amour passionné. David Joy parvient à faire une mise en place très intense. Il a le sens de son époque et des traumatismes. Dès les premières chapitres, on sent la puissance de la peur qui habite les personnages et celle de l’amitié entre les deux enfants bientôt adultes. Cette relation porte toute la force du roman. Elle est indiscutable et malgré les aléas de la vie, le lecteur la comprend et l’envie un peu.
La suite de l’histoire (avant la découverte de la drogue) est plus difficile. C’est un développement psychologique un peu lourd et répétitif comme si l’auteur ne faisait pas assez confiance à la force des premières images créées. Arrive enfin le nœud de l’histoire : la découverte de la drogue et le marchandage imaginé par Thad et Aiden. Alors le piège se met en place malgré l’innocence des personnages. Mais bientôt celle-ci disparaît en partie. Les personnages se découvrent un peu et laissent leur véritable nature. Le roman gagne alors une dramaturgie forte et sans appel. De chapitre en chapitre, l’histoire justifie son titre et on voit le monde pesait de tout son poids sur les épaules des personnages. Que ce soit Aiden, Thad, April ou tout ce qu’on rencontre, aucun n’est épargné. Ils sont tous marqués au fer rouge par la société. L’enfance, point commun de nombreuses rencontres, semble lointaine. Elle était le fruit d’une certaine complicité, voire d’une solidarité indestructible entre Thad et Aiden mais les adultes ont détruit tout cela.

Ce roman, traduit par Fabrice Pointeau, est publié par Sonatine au prix de 21€.

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