Chicago

Ramona débarque à Chicago pour un an. Elle doit y enseigner le français à des étudiants étrangers. Elle découvre seule la ville avant que sa solitude disparaisse totalement. Un jeune homme blond, Jonathan, et son amie Suzanne rentrent dans sa vie. Une vie à trois.

Septembre passe, octobre vient. Trois fois la semaine, à l’heure du déjeuner, Ramona fait réciter aux étudiants leurs rudiments. Et le mercredi après-midi, ils défilent dans son box du département de français, lui expliquant laborieusement comment ils s’appellent et combien il ont d’appareils numériques. Et chaque fois la question lui brûle les lèvres : d’où viens-tu ? D’où vient ta lignée, avant ta naissance ?
Les étudiants étrangers, façonnés dans la terre où sont nés leurs ancêtres, lui laissent une impression de plénitude, qui demeure longtemps après le bref entretien. 

Ce roman commence dans les profondeurs avec le retour du Léviathan, animal mythique sollicitant l’imaginaire et provoquant la peur. En quelques paragraphes, Marion Richez établit une sorte de carte mystérieuse. Elle ne va pas explorer les tréfonds de la Terre mais ceux de l’être. Elle va nous raconter l’évolution d’un Mal intime, inconnu et frappant. Sans transition, l’autrice nous raconte Ramona, son arrivée à Chicago, son contrat limité dans cette nouvelle ville, son quotidien. La jeune femme arpente une ville que la romancière saisit dans des descriptions très sensibles sur l’environnement urbain ou naturel. La fluidité est la base de la narration de ce roman. Les chapitres assez courts donnent un rythme intense à cette lecture. L’arrivée de Jonathan et Suzanne dans la vie de Ramona se fait facilement et devient très naturelle. Leurs habitudes communes, la délicatesse des attentions réciproques composent une relation d’amitié basée sur la confiance et une part de silence. Nous sommes dans une bulle, celle de cette amitié très sincère mais pas sacrifiée. Marion Richez ne privilégie pas le groupe au détriment des individus. On a conscience du rythme des vies de chacun et des plaisirs partagés ensemble. Cette joie-là imprègne tout le roman et la fin, en quelques mots, laisse éclater la puissance de cette relation. La métaphore du Léviathan, qui se retrouve en conclusion, apporte une dimension onirique au texte. Derrière la fluidité de l’écriture de Marion Richez, on sent poindre la douleur de cette légende, le fracas des êtres.

Ce roman est publié par Sabine Wespieser Editeur au prix de 15€.

Laisser un commentaire