L’Heure des oiseaux

Île de Jersey, 1959. Pour survivre à la cruauté et à la tristesse de l’orphelinat, Lily puise tout son courage dans le chant des oiseaux, l’étrange amitié partagée avec un ermite du fond des bois et l’amour inconditionnel qui la lie au Petit.

Soixante ans plus tard, une jeune femme se rend à Jersey pour éclairer le passé de son père et se confronte aux secrets profondément portés par les habitants.

Depuis qu’elle est à la l’orphelinat, à cause des moqueries sur sa manière de se tenir, sa délicatesse, Lily a parfois honte de son corps. Pourtant on ne peut qu’être frappé par ces yeux en amande et ce visage de madone. Cette fillette si vive, si gaie, le coeur sur la main, est une enfant lumineuse qui selon les moments ressemble à une sauvageonne ou à une reine. C’est peut-être sa beauté solaire autant que sa différence qui gêne.
A l’arrivée de Lily, on lui a rasé les cheveux, comme aux autres gamins. Toutefois, dans son cas, les mèches soyeuses ont été massacrées avec un plaisir non dissimulé. Jamais Lily ne s’était sentie aussi humiliée. Un sanglot coincé dans la gorge, elle a songé à sa mère, qui lui disait toujours combien sa chevelure bouclée lui allait bien. Sa tendresse lui manquait tellement.

Le rythme du roman tient par l’alternance des points de vue et leur complémentarité. Il y a Lily qui, accompagnée du Petit, tente de quitter l’orphelinat. Il y a une jeune femme qui explore l’île où règne encore le poids traumatique de l’établissement. Nous sommes ainsi face à deux visions d’une même situation, au présent et dans l’après. On découvre ainsi le vécu des enfants, la violence subie, l’humiliation constante et ce qui pèse tellement sur ces jeunes humains. Et des décennies plus tard, l’île de Jersey sur laquelle se trouvait l’orphelinat surgit dans tout ce qui n’est pas dit. Le silence des enfants devenus grands est lourd et la jeune narratrice nous guide vers le dévoilement du secret, familial et communautaire. Le lecteur apprend et comprend en même temps qu’elle, avec toujours cette idée de libérer la parole et soulager les consciences.

Maud Simonnot compose un roman sur l’instantanéité et cette confrontation au moment, mêlant drame et stupéfaction, est mélangée par l’alternance de points de vue. Les chapitres autour de Lily et du Petit sont riches de leur recours à l’imaginaire, à leur envie de se fuir mentalement de cet orphelinat et de la véritable oppression des adultes. Leur complicité attendrit et la tragédie de leur histoire surgit grâce aux autres chapitres qui sont une balade dans l’île au milieu des habitants. On réalise à quel point les enfants sont enfermés et prisonniers à jamais. Cette perpétuité à subir le mal est la force de l’enquête menée par la jeune femme, soixante après l’histoire de Lily. Les chapitres sont plus informatifs et donnent de la densité à ce roman. Sans jamais alourdir la portée des faits racontés, Maud Simonnot tire le fil de la mémoire et de la nécessité de faire entendre les paroles. Les mots sont libérateurs, même après soixante ans.

Ce roman est publié par les Editions de l’Observatoire au prix de 17€.

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