Le Bal de la rue Blomet

Anthénor Louis-Edmond revient de la guerre et arrive à Paris où sa participation à la bataille des Dardanelles impressionne autant qu’elle indiffère. Il découvre le Bal de la rue Blomet, rencontre Frédéric Clerville, jeune Mulâtre fils d’un brillant avocat de Fort de France en rupture de ban avec sa famille, Elise, domestique d’anciens coloniaux. Tous les trois sont martiniquais et vivent une histoire d’amitié, d’amour et de désir. Tout cela au rythme de la béguine, musique venue des Antilles.

À Montparnasse, Élise fut d’abord une curiosité à cause de ses vêtements créoles colorés et du madras rouge vif avec lequel elle amarrait ses abondants cheveux frisés de Câpresse. Les jours de marché, sans attendre que la maîtresse de maison se réveille et sachant que son mari s’en était allé faire sa promenade matinale, elle se préparait un chocolat de première communion qui lui rappelait son île. À ces moments-là, des bouffées de nostalgie l’envahissaient et dans son esprit se mettaient à rouler tout un lot de phrases dans cet idiome qu’elle n’avait plus l’occasion de pratiquer depuis cinq ans. À la vérité, lorsqu’elle vivait à la Martinique, Élise s’était consciencieusement employée à l’éviter du jour où elle fut recrutée comme gardienne d’enfants par une famille de fonctionnaires du gouvernerait.

Le roman commence vite. La guerre est terminée, la violence raciste vécue par Anthénor bouscule, un souffle de liberté et d’indépendance pointe son nez. On rentre dans ce livre avec une certaine euphorie portée notamment par l’écriture mêlant français métropolitain et celui des Antilles. Les deux cultures se croisent. Le personnage du militaire nous sert de guide dans le Bal, au milieu de la béguine. L’histoire s’enrichit des autres personnages, qu’ils soient célèbres ou fictionnels. Le trio des protagonistes principaux est intense dans ses réactions, ses sentiments. Anthénor tente de garder la mesure.

Le livre n’est pas vraiment le récit d’un lieu ni d’une époque. J’y ai plus vu l’envie de croire dans un monde nouveau qui se croyant chanceux d’avoir survécu à la guerre tenterait le tout pour le tout par amour. Or, très rapidement, par le poids des conventions sociales, du racisme et de la peur de l’autre, ce paradis s’assombrit. Le drame étreint par quelques moments. L’émotion n’est jamais loin même si je ne me suis pas senti très proche des personnages. Des extraits de journaux intimes viennent comme des parenthèses dans le roman. Les personnages livrent leurs sentiments, leurs impressions. Ce découpage estompe un peu la dynamique de la fiction qui tient en grande partie à la langue de l’auteur, Raphaël Confiant.

Quand il est dans le Bal, en période glorieuse ou pas, il observe le monde avec la même énergie que Damien Chazelle filme le jazz. C’est vif, étincelant et en une note, tout peut basculer.

Ce roman de Raphaël Confiant est publié par Mercure de France au prix de 21€.

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